11e congrès de la CGT Éduc’action
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Le 11e congrès de l’Union Nationale des Syndicats de l’Éducation Nationale CGT (UNSEN) a eu lieu à Guidel en Bretagne, du 19 au 23 mai 2025. Innovations organisationnelles, volontarisme féministe, crispations sur l’unité syndicale… Que retenir de ce congrès ?
La CGT Éduc’action est organisée en syndicats départementaux (SDEN), regroupant des sections (d’établissements, d’écoles) n’ayant ni congrès à organiser ni statuts à établir. Avantages : une souplesse de fonctionnement, et la casse, par la vie syndicale territoriale, de l’isolement des syndiqué⋅es uniques sur un lieu de travail donné. La souplesse, néanmoins, se perd dans une autre particularité : les syndicats départementaux sont unis dans une Union Nationale (UNSEN), au lieu d’être directement rattachés à la FERC (Fédération des syndicats CGT de l’Éducation, de la Recherche et de la Culture) comme dans la plupart des autres branches professionnelles organisées fédéralement au sein de la CGT. L’existence de l’« étage » intermédiaire de l’UNSEN entre les OS et leur fédération se justifie par l’énormité du vivier potentiel de syndiqué⋅es que représente l’Éducation nationale et son million de personnels. Moins par le nombre de syndiqué⋅es : quoique affichant un développement continu, les syndicats CGT de l’éducation, comptant environ 17 000 syndiqué⋅es, restent loin derrière la FSU et ses 160 000 adhérent⋅es dont une majorité dans l’éducation. Malgré tout, cette organisation a permis aux syndicats CGT Éduc’action de développer des procédures démocratiques pointues, quoique toujours perfectibles. Le dernier congrès de l’UNSEN en a fait une nouvelle démonstration.
Les congressistes ont examiné près de 2000 amendements, une preuve de la vitalité d’organisations rompues à la réflexion collective. Qui pose cependant des problèmes pratiques : l’examen d’autant d’amendements prend du temps, d’autant plus que, après leur passage en commission, les syndicats ont la possibilité de les défendre un par un en plénière : l’assemblée décide. Une innovation cette année a toutefois fait gagner du temps : avant le congrès, une pré-commission s’est réunie et a envoyé ses premières délibérations, permettant aux SDEN d’abandonner des amendements qui, par exemple, en recoupaient d’autres. Le temps gagné aurait pu être consacré à des discussions de fond. Hélas, il a été re-perdu par une autre innovation : la possibilité d’amender une partie du rapport d’activité. Proposer un texte même non stratégique à l’amendement revient, dans l’éduc, à ouvrir la boîte de Pandore : la plupart des SDEN ont suivi la consigne et amendé. La discussion même sur le bilan de la direction sortante en a souffert : le temps passé sur la partie amendable du rapport d’activité a empêché de débattre de l’ensemble du rapport, y compris ses parties non amendables. Autre point d’amélioration démocratique relevable au terme de ce congrès : plusieurs SDEN ont présenté des motions n’introduisant pas de nouveaux sujets mais reprenant l’esprit de leurs amendements, ou de leurs positions internationales campistes, qui avaient pourtant été rejetées en amont en plénière. Une stratégie pour faire revenir par la fenêtre ce qui a été évacué par la porte : les motions sont examinées le dernier jour, au lendemain de la soirée fraternelle. Les congressistes sont fatigué⋅es, beaucoup ne font qu’un passage éclair en salle de congrès, filant attraper leur train de retour (la Bretagne, c’est loin). Ainsi, en congrès réduit, plusieurs motions ont été bien prêtes d’être adoptées en complète contradiction avec le document d’orientation voté la veille.
Comme les précédents, ce congrès a montré le volontarisme des camarades de l’éducation en faveur de l’égalité. La part des femmes augmente parmi les adhérent⋅es de la CGT Éduc’action (59 % en 2025), mais reste en dessous de leur proportion dans l’Education nationale (73,8 %). Mais un amendement adopté par le congrès donne consigne à la nouvelle direction de travailler à ce que la CE reflète la répartition genrée des personnels (et non simplement celle des syndiqué⋅es) : un objectif ambitieux qui dispense l’organisation de s’endormir sur ses lauriers passés. Sur le congrès lui-même, le bilan est mitigé : pour la première fois, une équipe de référent⋅es VSS a assuré l’écoute et la sécurité des congressistes, travaillant à faire vivre le temps du congrès l’idéal d’une société débarrassée de toute exploitation et oppression. La faible proportion de femmes déléguées délibératives (48 %) oblige toutefois à modérer l’enthousiasme que suscite de telles dispositions. Les prises de parole des femmes sont restées moins fréquentes que celles des hommes, avec une répartition parfois genrée des sujets d’intervention (ainsi une seule femme est intervenue pour commenter le rapport financier). Les camarades hommes en revanche ont, sur tous les sujets, pris massivement la parole, privilégiant souvent les envolées lyriques aux propositions concrètes, y compris lorsque, pourtant, la belle croissance de leur SDEN faisait regretter qu’ils ne partagent pas plus d’informations sur les rouages de son développement.
Parmi les sujets récurrents, la croissance de la répression syndicale et la montée de l’extrême droite. Plusieurs SDEN, un peu partout, ont fait état de leur participation à des collectifs VISA (Vigilance syndicale antifasciste) locaux. De nombreux amendements concordants ont amené le congrès à renforcer l’outil juridique de l’UNSEN, en vue de la défense mais aussi de l’attaque : le label syndical [1], compris dans le cadre de l’instauration d’un rapport de forces, a notamment été mentionné à plusieurs reprises par plusieurs SDEN.
Deux propositions, appelant à la mise en place d’actions de renforcement de SDEN stratégiques par leurs perspectives de développement importantes ou parce que situés sur des territoires virolés par l’extrême droite, ont cependant été rejetées. Elles prévoyaient que la direction consacre une partie de son temps de décharge à appuyer localement des syndicats départementaux ciblés. En revanche, le document d’orientation final impose à l’UNSEN de construire une campagne contre l’extrême droite et ses idées et contre toutes les formes de discriminations, notamment racistes – ce qui manquait. Un début de réflexion sur la ruralité a également émergé de façon inattendue à l’initiative de plusieurs petits SDEN concernés.
Le manque de débat s’est surtout fait sentir à propos de l’unification syndicale. Archi discutée lors des précédents congrès, elle ne devait faire l’objet que d’un mini débat de pure forme. Mais, à rebours des précédents congrès, elle a fait l’objet d’attaques minoritaires mais virulentes, qui l’ont fait évoluer vers un simple « rapprochement » au fil d’échanges pauvres : les arguments pour et contre ont été réduits à la portion congrue (« moi dans mon département ça se passe bien/mal avec la FSU »). En défaveur d’une unification, de petits SDEN ont donné des accents identitaires à leurs interventions, et certains moyens voire gros SDEN ont défendu des positions sensiblement plus tranchées que par le passé. Ces crispations traduisent un manque de culture et de projet politique inquiétant d’une minorité importante de camarades, qui n’envisagent manifestement le syndicat que comme un moyen d’accroître le mieux-être quotidien des travailleur⋅es, non comme outil d’émancipation intégrale et d’organisation de la société (ce qui requiert l’unité). Engoncées dans les timidités de leurs organisations respectives (Solidaires ayant rejeté le principe de l’unification et la FSU ayant subtilement levé le pied sur le processus lors de son dernier congrès), les interventions des camarades de Solidaires et de la FSU n’ont pas relevé le niveau. Les propositions pratiques innovantes ont manqué : unification ou rapprochement, oui mais comment ? Une avancée majeure tout de même : le principe de listes communes aux élections professionnelles a été évoqué. L’idée d’un congrès extraordinaire commun a aussi émergé en fin de débat. Le lancement d’une campagne nationale ambitieuse sur le bâti scolaire, enfin, avec l’Alliance écologique et sociale, ouvre aussi de belles perspectives de travail commun à toutes les échelles.
