Bilan en quelques chiffres – Juin 2025, 16e congrès de ELA #1
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Le premier syndicat basque a tenu son congrès au mois de juin dernier. C’est l’occasion de présenter le bilan du mandat écoulé au travers de quelques chiffres, qui montrent une confédération qui continue de progresser et de se renforcer – sans éluder les difficultés rencontrées. Un second article reprend les principales orientations votées lors de ce congrès.
Plus d’adhérent⋅es et surtout plus de femmes
Le nombre d’adhérent-es de ELA est passé de 100 925 en août 2021 à 104 159 en février 2025, soit une hausse de 3,2 % [1].
De ces 3234 personnes supplémentaires, 3196 sont des femmes. La progression du nombre absolu d’adhérent⋅es a donc été, dans ces 4 dernières, dans sa quasi-totalité une progression féminine. C’est là le reflet d’une orientation stratégique de ELA qui date depuis plusieurs congrès : s’implanter dans le salariat précarisé, qui est essentiellement féminin, est possible. Et cela est immédiatement visible sur le site internet du syndicat : les grèves des secteurs féminisés où le syndicat intervient y ont une part très significative.
La part des femmes parmi les adhérent⋅es est passé de 46,10 % en août 2021 à 47,74 % en février 2025. C’est une tendance à la hausse, qui se maintient depuis plusieurs années. Au congrès de juin 2025, pour la première fois, il y avait plus de femmes déléguées que d’hommes.
Si l’on ajoute le facteur âge, alors sur la tranche qui va jusqu’à 39 ans, la part des femmes est de 50,4 %. ELA est une organisation qui reste cependant confrontée à la faible syndicalisation du salariat jeune. Ainsi cette tranche d’âge ne représente que 14 % des adhérent⋅es. La seule tranche de 50-59 ans en représente 35 %. En 4 ans, le nombre d’adhérent⋅es de moins de 29 ans a augmenté de 10 %.
Une représentativité très confortable
Le taux global de syndicalisation de ELA (part des ses adhérent⋅es parmi la population active salariée) est passée de 9,73 % en août 2024 à 9,33 % en février 2025. Malgré la hausse du nombre absolu des adhérent⋅es, ELA, qui reste à un niveau autour de 100 000 personnes à peu près, n’a pas encore réussi à franchir un nouveau palier. La présence, et le renforcement depuis plusieurs années, de l’autre syndicat nationaliste de lutte de classe qu’est LAB, est un des facteurs explicatif, d’autant que LAB a repris certains éléments qui ont fait le succès de ELA, et en particulier la caisse de grève [2]. Facteur qui s’ajoute à celui évoqué plus haut : la difficulté à limiter les démissions.
Un autre facteur tient au projet politique national de ELA, projet présent depuis sa fondation, quelque soit sa concrétisation (autonomie ou indépendance du Pays basque). Ce projet entre de manière évidente en contradiction avec l’absence de sentiment nationaliste basque d’une partie des salarié⋅es, qui refusent alors par principe de s’engager dans une organisation syndicale ayant une telle orientation.
Reste que ce taux de syndicalisation fait rêver : c’est comme si un syndicat français avait 2,5 millions d’adhérent⋅es en activité !
Sous l’angle des élections professionnelles, ELA obtient 35,80 % (9568 personnes) des délégué⋅es sur l’ensemble du Pays basque sud (les 4 provinces). Celle de LAB est de 19,73 %. Sur les 3 provinces de la Communauté autonome du Pays-Basque (Araba, Bizkaia, Gipuzkoa), ELA dispose de 40,5 % des délégué⋅es. (20,40 % pour le LAB). En Navarre, ELA dispose de 22,77 % des délégué⋅es, en constante progression depuis plusieurs années. 42 % des délégué⋅es sont des femmes.
Ssur l’ensemble des 4 provinces, un tiers des délégué⋅es se situent dans des entreprises dont l’effectif est dans la tranche 6 à 49 salarié⋅es, et les deux autres tiers dans des entreprises de plus de 50 salarié⋅es.
Indépendance financière et caisse de grève
Une forte cotisation qui n’est pas un frein à l’adhésion…
La confédération ELA, qui centralise la totalité des cotisations des adhérent⋅es, a construit son indépendance financière tout au long de sa reconstruction après le franquisme. C’est un de ses fondements. Ainsi 91 % de son budget est financé par les seules cotisations. La part des subventions n’est que de 6,3 %. À comparer avec la situation du syndicalisme en France, où les cotisations sont très minoritaires dans les recettes des syndicats.
La cotisation syndicale de près de 86 % des adhérent⋅es est passée de 22,62 euros par mois en 2021 à 27,10 euros par mois en 2025 (il y 2 autres niveaux de cotisation plus faibles, notamment pour les chômeur⋅es et retraité⋅es). Cela sans faire baisser le nombre d’adhérent⋅es… qui a même progressé ! ELA estime réussir à recouvrir 99 % des cotisations dues par les adhérent⋅es [3].
Les cotisations représentent un montant de plus de 112,6 millions d’euros sur la période 2021 à 2024 – soit une moyenne de 23 euros par mois par adhérent-es.
En effet, la cotisation est bien plus élevée qu’en France, du fait d’une orientation stratégique en faveur de l’indépendance financière. Et aussi de la volonté, passée dans les actes, depuis 1976, de se doter de deux outils importants : une caisse de grève et des services juridiques très étoffés. Ajoutons que la cotisation est bien plus élevée alors que la part qui peut être déduite des impôts est bien moindre qu’en France.
… et qui alimente une caisse de grève qui a du sens
De 2021 à 2024, ce sont près de 17 millions d’euros qui ont été versés à la caisse de grève. Elle dispose de trois niveaux d’indemnité de grève, selon la situation. Elle couvre de 105 % du salaire minimum interprofessionnel, puis 120,75 % pour le niveau intermédiaire et jusqu’à 210 % pour le niveau le plus élevé.
Et en effet, avec une caisse de grève qui permet de gagner une centaines de conflits par an, la hausse du niveau de la cotisation syndicale prend un sens très concret. Pour gagner les conflits il faut faire grève, ou du moins que la menace de grève soit sérieuse et crédible. Être en capacité de tenir longtemps en grève suppose une cotisation élevée. Le niveau de vie moyen au Pays basque sud est certes un des plus élevé du territoire de l’État espagnol, mais il est mons élevé qu’en France. Et pourtant, le niveau de la cotisation de ELA est de l’ordre du double de celle que l’on rencontre à la CGT.
Une activité juridique efficace et financée par le syndicat
Enfin, cette forte cotisation permet aussi de financer des services juridiques constitués d’avocat⋅es, situé⋅es non seulement au niveau de la Confédération, mais surtout présent⋅es dans les locaux du syndicat sur tout le territoire. L’activité juridique individuelle porte sur le droit du travail et la protection sociale. ELA suit 10 000 affaires par an, dont 9000 pour des personnes déjà adhérentes.
En termes de droit collectif, ELA a mis en place un service juridique spécialisé dans les situations relatives aux licencements économiques, qui s’est avéré être d’un appui important pour les luttes, notamment chez des sous-traitants de Amazon [4].
De plus, afin d’être plus efficace, et de faire évoluer le droit, ELA a créé il y a quelques années la fondation Bidelagun, qui agit sur le terrain juridique sur les questions relatives aux conditions de travail, fautes inexcusables des employeurs, accidents du travail et maladies professionnelles, etc.
[1] Nous n’avons pas à ce jour de données sur les flux d’adhésions, afin d’évaluer le phénomène "panier percé". Pour arriver en quatre ans à 3234 adhérentes en plus, combien ont adhéré sur ces quatre années ? Et donc combien ont quitté le syndicat ? ELA ne donne pas de chiffres, mais le problème est identifié dans les documents de congrès : le syndicat n’est donc pas épargné par ce phénomène.
[2] Comme le montrent Jon Las Heras et Lluis Rodríguez dans leur article « Striking to Renew : Basque Unions’ Organizing Strategies and Use of the Strike‐Fund », British Journal of Industrial Relations vol. 59, no 3, 2021, p. 669-700 [en ligne].
[3] À comparer, là encore, avec la situation à la CGT : « De quoi les retards de versement des cotisations sont-ils le symptôme ? ».
[4] Voire cette brochure sur le sujet.
