Union locale, élu·e au CSE et droit du travail – Action juridique #3
Publié le par
« C’est pas prévu, c’est pas possible, mon avocat·e me l’a dit ». Cette phrase peut être déclinée à l’infini, c’est une réponse très classique du patron à un·e délégué·e élu·e au CSE sur une liste syndicale. On l’entend très souvent, même dans des PME de bonne taille, avec une centaine de salarié·es.
Ici se joue quelque chose d’important : un rapport entre le patron (ou le DRH…) et le/la représentant·e du personnel. Ce rapport qui passe par le droit, le domaine qui fait « peur », qui « impressionne » tellement de délégué·es. Et c’est compréhensible. Et ça se passe ainsi même si le patron n’y connaît rien, et raconte n’importe quoi.
Ce sujet est bien connu de tou·tes les élu·es en entreprise, et on pourrait décliner à l’envie les exemples concrets (notamment lors de négociations, avec plein de documents à lire par exemple). Dans cette situation, læ délégué·e pourra trouver un appui dans l’union locale. L’appui de sa fédération va dépendre de nombreux facteurs, dont l’éloignement. Mais ces conseils ne suffiront pas à renverser la situation psychologique difficile du ou de la délégué·e, facteur de démoralisation, surtout quand les collègues ne répondent pas vraiment présent·es alors qu’il s’agit de défendre un droit basique et évident. Dans la majorité des cas, que se passe-t-il ? On va laisser tomber. Mais alors, à quoi sert l’élu·e du personnel ?
Il n’est pas anodin que le droit du délégué·e d’être assisté·e dans les réunions mensuelles avec le patron avec un·e représentant·e de son syndicat a été supprimé [1]. Avec les délégué·es du personnel, ce droit permettait de recadrer le patron une première fois, face à face. Cela pouvait avoir son effet sur la suite. Effet psychologique, notamment. Une petite victoire qui parait anodine, mais qui ne l’était qu’en apparence, car elle avait son importance.
C’est cette petite victoire qu’il faut construire. Cela ne peut pas s’improviser. Le lien de subordination (qu’on cherche justement à mettre de côté dans cette situation) est vécu différemment par chacune et chacun, en fonction de sa personnalité, de sa situation dans l’entreprise, etc.
À quoi faut-il arriver ?
– C’est pas prévu, c’est pas possible, mon avocat me l’a dit…
– Sur quelles bases juridiques vous fondez votre réponse ?, répond læ délégué·e à sa question écrite pour la réunion mensuelle de CSE.
Voilà à quoi il faut arriver à un moment donné : réussir à tenir tête sur le plan du droit. Voilà le réflexe à acquérir, en toute circonstance dans ces situations. Et ce n’est pas facile.
On comprend facilement tout l’intérêt d’arriver à ce résultat. Certes, ça n’amènera pas la révolution, mais ce n’est pas le sujet lorsque l’on prend un mandat au CSE. Et le syndicalisme ce n’est pas uniquement la manifestation, la pétition, la grève, la harangue des collègues dans l’atelier, etc. Le quotidien du ou de la délégué·e c’est aussi ce rapport psychologique avec le patron.
Le but n’est pas de faire du délégué un·e juriste en droit du travail. Il ou elle a l’appui de son organisation syndicale pour la réponse juste du point de vue du droit. Mais par la formation, le soutien, etc. chaque délégué·e peut progresser dans ses connaissances, et surtout dans la confiance qu’il ou elle va acquérir progressivement.
C’est là que le rapport psychologique initialement défavorable va se renverser. Avec ses effets positifs à la suite. Et lorsque ce sont deux ou trois délégué·es dans l’entreprise qui sont concerné·es, alors cela va favoriser la construction d’une équipe plus solide.
Mais comment peut-on faire pour y arriver ? En prenant au sérieux le lien entre activité juridique et syndicalisme sur le lieu de travail. Il manque une réflexion collective sur le sujet abordé ici (d’ailleurs certains travaux de sociologie seraient très utiles).
Et surtout c’est prendre en compte un impératif : il faut renforcer les militant·es, donc les délégué·es, les garder. L’enjeu de notre syndicalisme n’est pas seulement de faire des adhésions : il faut faire apparaître des militant·es, et l’organisation syndicale, collectivement, doit faire en sorte qu’ils et elles perdurent. Sinon les déserts syndicaux continueront à le rester…
Une réflexion qui doit aboutir à construire des contenus de formation, à développer et transmettre des pratiques syndicales. Et donc aussi permettre de réfléchir aux évolutions internes que nos organisations syndicales doivent engager sur ce sujet. Le but est d’arriver à imposer le respect du ou de la délégué·e, à défendre sa dignité. Le droit ne fera pas tout, mais cela passe aussi par là. Parce qu’il s’agit aussi de faire respecter le syndicalisme sur le lieu de travail.
[1] Avec les ordonnances Macron de 2017 qui transfèrent les attribution des délégué·es du personnel aux Comités sociaux et économiques (CSE).