2006 : pour une réflexion et un état des lieux – Décongeler les structures de la CGT #3

Publié le par Baptiste, Michel

Depuis plusieurs dizaines d’années, la CGT fait le constat que ses structures ne permettent plus de répondre aux évolutions du capitalisme, et qu’il faut les transformer pour rester en capacité d’affirmer un syndicalisme qui permette d’exercer réellement un rapport de forces. Du rapport Warcholak de 1980 au 53e congrès, passage en revue de 45 ans d’immobilisme sur les structures de la CGT.

Lors du 48e congrès qui se déroule en 2006 à Lille, la réforme majeure est la mise en place du système unifié de gestion des cotisations (CoGéTise), et du logiciel de gestion des adhésions (CoGiTiel). Une proposition de fixer un seuil de 20 adhérent⋅es a suscité beaucoup d’oppositions, et a été remplacée par une formulation moins contraignante et non chiffrée. Le document confie aux fédérations le soin de réfléchir à leur propre évolution. Sur l’interpro, une « conférence nationale sur les unions locales » sera organisée. Et dans tous les domaines, il faudra faire des évaluations et autres états des lieux. Les décisions sont même en retrait par rapport au congrès précédent, avec un ton plus prudent et moins engageant.

Partie 3 : Développer l’organisation syndicale confédérée

[…]

Pour pouvoir faire bouger durablement la réalité des choses, notre rôle est de mettre en place un maillage syndical qui nous permette de rassembler l’ensemble des salariés à partir de leurs aspirations sociales.

Au cours des mouvements sociaux, la CGT du syndicat à la confédération a été confrontée à des problèmes réels pour fédérer et coordonner les luttes sur des enjeux revendicatifs qui structurent la société.

Ces difficultés renvoient, pour partie, au cloisonnement de nos structures CGT et de leur rôle (public/privé, professionnel/territorial, local/national) et à nos inégalités d’implantation, à nos manques de moyens et d’informations.

L’évolution de nos structures est donc posée pour accroître notre capacité d’intervention syndicale. L’objectif est de mieux travailler le lien professionnel-territorial, mutualiser nos efforts et nos moyens humains et financiers, confédéraliser notre activité.

[…]

Des évolutions structurelles et des modes de vie à concrétiser

Se donner les moyens de nos ambitions, transformer nos modes de fonctionnement, réinvestir le rôle et la complémentarité de nos structures, tel est le sens de la résolution adoptée par le 47e congrès pour mettre toute la CGT en capacité de décider d’axes de transformation communs à toute la CGT.

Ces transformations doivent répondre à deux objectifs indissociables : l’efficacité et la rationalité.

Les travaux entrepris par le CCN depuis le 47e congrès sur le fonctionnement et les structures de la CGT permettent de soumettre des propositions.

Fédéralisme et confédéralisation

Les articles 21 et 22 de la CGT le stipulent : autonomie des organisations et recherche des convergences entre elles constituent notre conception du fédéralisme. L’un sans l’autre, ça n’est plus la CGT.

Travailler plus ensemble pour faire vivre cette conjugaison qui fait la singularité de la CGT dans le paysage syndical est aujourd’hui un objectif majeur.

La recherche de convergences n’implique pas la culture de l’unanimisme entre les organisations qui composent la CGT. Nous devons accepter nos différends qu’ils soient d’opinions ou de pratiques pour autant que les décisions prises en commun ne soient pas bafouées, remises en cause et que le débat puisse se poursuivre. Réciproquement, l’autonomie ne peut se résumer au chacun chez soi contraire avec l’existence même d’une confédération. Il faut à l’inverse quel que soit son secteur d’activité mettre à profit l’expérience des uns et des autres afin de gagner en efficacité.

La vie nous prouve par bien des exemples que nos actes s’éloignent souvent de nos intentions, de nos ambitions, voire de nos valeurs. Les réflexes d’autonomie dans le syndicat, voire le comité pour les privés d’emplois, l’union locale, l’union départementale, la fédération, la confédération, prennent parfois insidieusement le pas sur la volonté de construire des réponses rassemblant toute la CGT.

Nous réclamons souvent et à juste titre d’agir tous ensemble et pour autant, nous ne nous sentons pas toujours concernés quand une décision le concrétise. De plus, à tous les niveaux se retrouvent les mêmes aspirations contradictoires : « conduire son activité comme on l’entend », sans qu’aucune « autorité » ne vienne entraver ses décisions et « chercher à faire résoudre les problèmes (souvent les situations devenues conflictuelles) que l’on n’a pas pu ou su résoudre » par ladite « autorité ».

Articuler fédéralisme et confédéralisation implique donc :

  • de construire la revendication à partir des besoins des salariés, à tous les niveaux, en cherchant en toute circonstance les cohérences qu’elle porte et les convergences qu’elle appelle ;
  • de mieux faire percevoir la contradiction des réflexes d’autonomie et de repli sur soi par rapport à l’exigence montante du besoin d’efficacité syndicale propre à une confédération et de la capacité à répondre aux attentes des syndiqués et des syndicats ;
  • de mettre toutes les structures de la CGT au service des syndicats et de la nécessité d’organiser partout les salariés, objectif impliquant réciproquement la participation des syndicats à la vie de toutes les structures ;
  • de bien articuler les niveaux complémentaires que sont l’entreprise, les branches professionnelles, les territoires et le niveau national interprofessionnel pour « confédéraliser » une action au niveau national ;
Décision 22 – Face aux défis qui nous sont posés, à l’exigence croissante d’efficacité syndicale propre à une confédération, le congrès invite les organisations de la CGT, des syndicats jusqu’à la confédération, à travailler à des évolutions partagées ensemble et en toute responsabilité, avec le souci de renforcer l’organisation et sa capacité revendicative.
Le syndicat, base de toute la CGT

Le 47e congrès a adopté une Charte de la vie syndicale qui suppose que le syndicat remplisse un certain nombre de missions : faire vivre la démocratie syndicale, favoriser l’intervention individuelle et collective des adhérents, permettre l’élaboration des revendications avec tous les salariés dans leurs diversités.

Pour atteindre ces objectifs, des modifications dans la structure des syndicats peuvent être rendues nécessaires. Elles viseront à permettre à tous les salariés de se retrouver dans une organisation de base de la CGT (syndicat et/ou comité local de privés d’emploi), disposant dune réelle efficacité, et tous les syndiqués d’être à égalité de droits et de devoirs dans la CGT. S’agissant des retraités et pré-retraités, ils peuvent décider la création des sections permettant de développer leur activité.

L’histoire nous a légué une grande diversité de formes et de types de syndicats. Les mutations du salariat et de l’entreprise appellent à des structurations plus adaptées.

Le travail entrepris sur le syndicat révèle la nécessité :

  • de favoriser, pour que la démocratie puisse s’exercer directement et en permanence, la constitution de syndicats à taille humaine proches des salariés et de fixer le seuil d’effectif syndiqué pour constituer un syndicat ;
  • de proposer des modes et des lieux d’implantation du syndicat permettant de prendre en compte les spécificités et d’articuler le professionnel et le territorial afin que plus aucun syndiqué ne puisse se sentir « isolé » ;
  • de favoriser la création de syndicats locaux, multiprofessionnels (de zone, de site, de lieu de vie, de bassin d’emploi) ou de même type d’activité ;
Décision 23 – Le syndicat est la base de toute la CGT et doit être en capacité de remplir ses missions essentielles.
  • Tous les syndiqués doivent être rattachés à un syndicat conformément aux statuts.
  • Le congrès mandate les organisations de la CGT pour y parvenir et les incite à ce que les syndicats atteignent un effectif suffisant pour permettre une activité syndicale et une vie démocratique, soit par le regroupement de syndicats soit par la création de syndicats locaux, de sites ou de zones, constitués sur une branche ou multiprofessionnels.
  • Le congrès incite les syndicats à créer des sections syndicales partout où leur taille ne permet pas aux syndiqués de bénéficier d’une structure de proximité.
Organisation professionnelle de la CGT

Les fédérations ne sont pas toutes structurées à partir des mêmes critères : une ou plusieurs conventions collectives pour les unes, statuts d’entreprises publiques ou de la fonction publique pour d’autres. Certaines se regroupent sur des activités, d’autres sur des filières d’activités, d’autres sur des métiers.

Elles se sont la plupart du temps constituées autour des lieux de négociations et décisions des conventions collectives et statuts des personnels. Ces lieux sont aujourd’hui percutés par l’évolution et remise en cause du Code du travail, des conventions collectives, et des branches et statuts, des services publics, par les nouvelles organisations du travail.

Le nombre de salariés couverts par les fédérations est très variable. Il va de quelques milliers pour certaines à plusieurs millions pour d’autres. Les évolutions prévisibles sont loin d’être uniformes d’un secteur professionnel à l’autre. Plusieurs millions de salariés sont laissés « à découvert » de toute activité CGT.

Le nombre de syndiqués par fédération varie de plusieurs dizaines de milliers à quelques centaines. Des fédérations se retrouvent en grande difficulté pour faire face à leurs responsabilités, animer les batailles syndicales, construire les convergences.

Les transformations du travail et l’objectif de conquérir un nouveau statut du travail salarié ont déjà amené certaines fédérations à travailler ensemble pour construire des cohérences revendicatives et d’actions.

C’est le cas dans des domaines tels que : le développement de l’emploi industriel, le service public et l’aménagement du territoire, les transports, le travail social, l’économie sociale, la communication, la culture, etc., sur des filières comme la filière bois, sur des grands groupes.

Ces coopérations interfédérales méritent d’être approfondies et élargies. Elles pourraient permettre l’identification par les syndicats des grands types d’enjeux et de champs professionnels ressentis comme les plus pertinents au travers du débat et l’expérimentation.

Pour travailler sur des grandes garanties collectives en lien avec le nouveau statut du travail salarié et la sécurité sociale professionnelle, il est proposé de réfléchir autour de champs d’activités tels que : industrie, agriculture, services, commerce, transport, santé et protection sociale, culture et éducation, environnement, communication, financement.

Ces exemples ne préjugent en aucun cas du contour que pourraient prendre les fédérations. C’est une base de réflexion issue d’un travail commun. Le champ d’activité de chacune des fédérations est déterminé par les syndicats qui la composent et validé par le CCN. Les fédérations en concertation auront à proposer les évolutions de structures nécessaires.

Pour une évolution cohérente, convergente et solidaire de toute la CGT, les syndicats doivent élaborer des pistes d’évolution de leur propre fédération en plein connaissance de celles des autres fédérations et structures.

Décision 24 – Le congrès retient de valider les critères suivants pour favoriser une cohérence d’évolution de l’organisation professionnelle de la CGT.

Les fédérations doivent :

  • couvrir plusieurs métiers, entreprises, conventions collectives, statuts en cohérence avec la conquête d’un nouveau statut du travail salarié ;
  • avoir un rayonnement national, une présence et un maillage territoriaux qui assure le lien avec leurs syndicats et les autres organisations de la CGT ;
  • avoir une capacité de vie démocratique ;
  • disposer de forces et de moyens suffisants pour une impulsion d’activité revendicative, de négociation, de syndicalisation, sur le territoire national et une activité à l’échelle européenne voire internationale ;
  • assurer leurs ses obligations statutaires dans les instances de la CGT.

Il donne mandat au CCN pour :

  • engager à partir de ces critères une évaluation des réalités des fédérations et des perspectives qu’elles tracent à leurs évolutions ;
  • informer les syndicats, impulser le débat et les expérimentations sur les grands types d’enjeux et de champs professionnels afin de leur permettre de proposer les évolutions structurelles nécessaires.
Organisation territoriale de la CGT

Les transformations économiques et sociales qui se sont opérées ces dernières décennies ont profondément bouleversé notre implantation et notre fonctionnement syndicaux.

Elles ont notamment conduit à des transferts de tâches qui relèvent traditionnellement du syndicat vers les structures territoriales.

En donnant les moyens aux syndicats d’être plus autonomes et solidaires, les structures territoriales doivent pouvoir mieux assurer les réponses aux besoins nouveaux des salariés.

Elles ont à répondre à l’exigence de proximité entendue non seulement en terme de distance géographique mais aussi de capacité à anticiper, proposer et répondre rapidement aux enjeux revendicatifs et aux convergences nécessaires.

Au-delà des obligations statutaires des organisations territoriales, des évolutions de fonctionnement sont à expérimenter, à concrétiser et à évaluer.

Les unions locales ont un rôle primordial, leur proximité les conduit à apprécier avec les syndicats ce qui a changé pour chacune d’entre elles, à partir des évolutions des bassins d’emploi. Elles ont à travailler avec les syndicats à leur redéploiement sur les bassins d’emploi et les zones de concentration du salariat en lien avec les professions.

Le comité régional devient un lieu où le croisement des structures et des activités professionnelles et interprofessionnelles est indispensable. Ses modes de fonctionnement pourraient évoluer en ce sens en y incluant les responsables de bassins d’emploi et les professions dans la réflexion régionale. Le comité régional avec les professions pourrait définir des objectifs prioritaires en matière de syndicalisation et le périmètre le plus adapté pour les bassins d’emploi.

L’union départementale doit contribuer à une meilleure prise en compte des enjeux territoriaux par les syndicats de son territoire. Elle pourrait évoluer en coordonnant et en impulsant l’activité sur les bassins d’emplois du département. Elle reste l’outil de représentation et de négociation sur un périmètre et des enjeux qui ont aussi évolué.

Ces propositions qui font suite à une mise à plat encore incomplète de l’existant, de la diversité de nos organisations (unions locales, unions départementales, régions) en termes d’implantation, de fonctionnement, de moyens, sont à débattre au regard des réalités de chacun formant un tout à réorganiser pour une CGT plus efficace pour gagner sur les revendications.

Décision 25 – Le congrès retient de valider les critères suivants pour structurer les organisations territoriales interprofessionnelles :
  • avoir une capacité de rayonnement sur le territoire tant vers les salariés que vers les lieux d’intervention et de négociation, en cohérence avec la conquête d’un nouveau statut du travail salarié ;
  • avoir une capacité de vie démocratique et de lien avec les organisations qui la composent et les autres structures de la CGT ;
  • disposer de moyens et de forces pour impulser une activité revendicative, de syndicalisation, et de communication et de formation syndicale, à partir d’enjeux interprofessionnels qui conditionnent la vie des salariés ;
  • être en capacité d’assurer la complémentarité des outils de représentation, d’intervention, de décision et de négociation partout où la CGT est présente en territoires ;
  • assurer leurs ses obligations statutaires dans les instances de la CGT ;

Il donne mandat au CCN pour :

  • faire un véritable état des lieux des structures territoriales existantes ;
  • faire une évaluation des changements déjà opérés dans ce domaine par nos organisations ;
  • impulser le débat dans les syndicats afin de leur permettre de décider des évolutions structurelles nécessaires ;
  • organiser une conférence nationale sur les unions locales.