Le dialogue social, somnifère du syndicalisme

Publié le par Michel

« Dialogue social » : l’expression a malheureusement été adoptée dans de nombreuses interventions orales et écrites au sein même du syndicalisme de lutte. Et on sait que les mots ont une force symbolique, qui est partie intégrante du rapport de force entre les classes.

Combattre l’utilisation de cette expression est une tâche syndicale. Pour cela, il est incontournable de débattre de la question du « dialogue social » dans nos organisations syndicales respectives. Car ce qui est enjeu, c’est la nature même du « modèle syndical » que nous défendons. Appel à contributions !

Que faut-il entendre par dialogue social ? Quels sont ses rapports avec la négociation ? Quelles sont les pratiques syndicales qui relèvent du dialogue social ? Et donc pourquoi faut-il combattre non seulement l’expression, mais toutes les pratiques qu’elle recouvre ?

Car même lorsque le syndicalisme de lutte n’utilise pas cette expression, certaines de ses pratiques, et non des moindres, relèvent du dialogue social. Et cela même lorsque certaines organisations syndicales, que ce soit aux niveaux national, départemental, des fédérations, voire même de syndicats, utilisent un langage « radical » de « lutte de classes ».

Cette réalité fait partie, avec d’autres, des raisons fondamentales qui expliquent la faiblesse du syndicalisme de lutte en France. Une raison qui ne tient qu’aux décisions de nos propres organisations : ni l’Etat, ni le patronat, public comme privé, ne sont les méchants qui nous imposeraient des pratiques de dialogue social.

Alors, n’est-il pas temps d’aborder cette question cruciale, sans concession, dans des débats au sein de nos organisations mais aussi entre militant.es de différentes organisations syndicales ? Le long conflit sur les retraites de l’année 2023, avec cette intersyndicale inédite, est là aussi pour illustrer cette nécessité.

Des contributions de syndicalistes ou d’organisations syndicales d’autres pays seraient les bienvenues.

Pour finir, comment ne pas relater une anecdote [1], celle d’un congrès confédéral du syndicat basque ELA, qui avait pour thème principal le dialogue social. Un syndicaliste membre d’une délégation étrangère interroge la direction de ELA : « Mais que reste-t-il au syndicalisme sans le dialogue social ? ». Le secrétaire général d’ELA répond : « Le syndicalisme ».


[1Christian Dufour, Adelbeid Hege, « 12e congrès de ELA, confédération syndicale basque », Chronique internationale de l’IRES no 117, 2009, p. 36.